mardi 30 juillet 2013

Egypte, Tunisie, Libye, les berceaux du printemps arabe au bord du gouffre



Deux ans après le "Printemps arabe", l’Egypte, la Tunisie et la Libye menacent de sombrer dans le chaos. Le point, les faits.

Les actuelles situations égyptienne, tunisienne et libyenne ne relèvent ni des mêmes causes, ni du même enchaînement d’événements, et il est encore difficile de prédire quels seront leurs développements respectifs. Elles ont toutefois en commun, dans ces trois pays emblématiques du printemps arabe de 2011, une exacerbation des tensions internes. Entre pouvoir islamiste et opposition laïque en Tunisie; entre armée et Frères musulmans, mais aussi entre militaires et opposants civils au président Morsi, déposé par l’armée en Egypte; entre factions rivales en Libye. La crainte est que ces trois pays basculent vers le chaos total.

1 En Egypte, le climat reste tendu, après un week-end rythmé par de violents affrontements entre pro-Morsi et forces de sécurité au Caire et à Port-Saïd, dont le bilan s’élève à 80 morts dans les rangs des Frères musulmans. Ceux-ci ont appelé à une marche "d’un million de manifestants" pour réclamer le retour du président Morsi, enjoignant leurs partisans à travers le pays à converger, lundi soir, vers "les bâtiments administratifs des forces de sécurité" pour dénoncer "l’usage de balles réelles contre des manifestants pacifiques". L’armée a mis les manifestants en garde, les exhortant à "ne pas s’approcher des installations militaires en général et du siège des renseignements militaires en particulier". Mais dans les rangs même de l’opposition à Mohamed Morsi, on éprouve un certain malaise face à "l’usage excessif de la force"contre les manifestants, qu’a condamné via Twitter le vice-président et leader de l’opposition libérale Mohammed El Baradeï. La communauté internationale, inquiète, craint l’escalade des violences. Raison pour laquelle la Haute représentante pour les Affaires étrangères de l’Union européenne, Catherine Ashton, s’est rendue lundi au Caire, pour tenter d’amener toutes les parties à renouer le dialogue. La Britannique a plaidé auprès de ces différents interlocuteurs pour un "processus de transition totalement ouvert, intégrant tous les partis politiques, y compris les Frères musulmans". Car même si ceux-ci ont accumulé les échecs et les maladresses depuis que M. Morsi a remporté l’élection présidentielle, fin juin 2012, on voit mal, en effet, comment assurer une transition politique paisible en les tenant à l’écart. Ce à quoi s’obstine le général al-Sissi, l’homme fort du pouvoir, même si c’est un civil, Adly Mansour, qui a été institué président par intérim.

2 En Tunisie, la coalition gouvernementale dirigée par le parti islamiste Ennahda doit, elle, composer avec une contestation croissante de la part de l’opposition laïque. L’assassinat, jeudi dernier, du député Mohamed Brahmi, deuxième opposant et critique acerbe des islamistes à être tué par balles après Chokri Belaïd, assassiné en février 2013, a remis le feu aux poudres. Le gouvernement affirme que les deux meurtres sont l’œuvre d’un jihadiste franco-tunisien, Boubakeur El Hakim. Sans pour autant parvenir à atténuer la contestation. Sidi Bouzid, ville natale de M. Brahmi et berceau de la révolte de 2011, a entamé samedi un mouvement de désobéissance encadré par le Front populaire et la section régionale du syndicat UGTT. Lundi matin, des manifestants issus de l’opposition ont tenté d’envahir des locaux municipaux et se sont heurtés à des partisans d’Ennahda. L’armée est intervenue et la police a fait usage de gaz lacrymogènes contre les manifestants. Dans la capitale, Tunis, l’armée a bouclé l’accès à la place du Bardo, sur laquelle donne l’Assemblée nationale, et l’a déclarée "zone militaire fermée", après des affrontements entre manifestants des deux camps. Sur le plan politique, le parti Ettakatol, membre de la coalition, a appelé lundi à la dissolution du gouvernement tripartite. Le gouvernement devait tenir une réunion de crise lundi. Le Premier ministre Ali Larayedh devait s’adresser à la nation en soirée.

3 La Libye, quant à elle, s’enfonce dans une spirale de violence. A Benghazi, foyer de la rébellion contre feu le Guide suprême Mouammar Kadhafi, des combats ont opposé "les forces spéciales de l’armée et un groupe armé inconnu", a déclaré le porte-parole des opérations de sécurité à Benghazi. Le pouvoir de transition semble perdre pied dans l’est libyen : la semaine dernière, Benghazi a été le théâtre d’une série d’assassinats et samedi, 1 200 détenus, de droit commun mais aussi d’affidés de l’ancien régime se sont évadés de prison. Pour tenter de sortir de la crise, le Premier ministre Ali Zeidan a annoncé lundi qu’il allait proposer un nouveau cabinet au Congrès général national, la plus haute autorité politique et législative du pays. M. Zeidan a également annoncé des mesures en vue de créer un organe de renseignement intérieur pour empêcher les attaques. Mais les rivalités entre les partis, qui s’appuient sur des milices armées, sont telles que la stabilisation du pays semble une perspective lointaine.